Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 juin 2016 5 03 /06 /juin /2016 13:49

Lorsque j'ai rouvert les yeux, le jour s'enfuyait déjà. Combien de temps avais-je dormi ? Aucune idée. La maison était silencieuse. Sans réfléchir, j'appelais Laëth. Quelle n'a pas été ma surprise de voir arriver le géant qui m'avait conduit ici !

-Euh... Bonsoir.

-Salut. Oui, je me doute que tu ne t'attendais pas à me revoir si tôt. La Rebouteuse va revenir. Tu as besoin de quelque chose ?

Interloqué, je secouais la tête. Cet homme m’effrayait un peu, j'avoue. Mais à ma décharge, notre première rencontre ne s'était pas fait sous les meilleures hospices.

-Elle m'a mis à l'amende. Côme aussi. Nous devons veiller sur toi en son absence.

En y regardant mieux, son air contrit m'a apitoyé. Certes, il était d'un très grand gabarit, mais il n'avait pas l'air méchant. D'autre part, il évoquait la Rebouteuse avec un immense respect. On entendait les majuscules dans ses phrases.

-J'ai très soif, en fait. Si je pouvais avoir un peu d'eau.

Sans un mot, il est descendu. A son retour, il portait un verre et un pichet en terre cuite. Il m'a servi en silence et m'a regardé boire un moment.

-Je m'appelle Thorgal. Vraiment désolé pour ta jambe.

Sa sincérité me faisait pas de doute. Il observait ma jambe à la dérobée d'un air douloureux.

-J'ai dormi longtemps ?

-Sûrement. Côme t'a surveillé toute la matinée. Je suis là depuis la première heure de l'après-midi. Effectivement, j'avais dormi un temps considérable. Ce qui expliquait en partie ce besoin intime urgent. Mais comment exposer ma requête ?

-Thorgal, j'aurais besoin de...

Et avec force moulinets et froncements de sourcils, je tentais de faire passer le message. Une légère gêne sur le visage de géant a révélé que le message était passé. Soudain, un bruit de porte qui s'ouvre a tiré Thorgal de son embarras et il m'a abandonné pour aller voir. Il est remonté accompagné de Laëth.

-Bonsoir, Luc. Thorgal vient de me parler. Il ne sait pas comment t'aider. Attends.

A mon tour, je me suis senti embarrassé. Elle s'est approchée de moi et a récupéré près du lit un vase à long col que je n'avais pas remarqué. Puis elle m'a aidé à bouger, de façon à ce que je sois assis sur le lit. Lorsque ma jambe s'est abaissée, la douleur a irradié et j'ai glapi de surprise. Elle m'a observé un instant, pensive, puis m'a tendu le vase. Sans me laisser le temps de protester, elle s'est agenouillée, m'offrant son dos.

-Thorgal, dépose sa jambe blessée sur mon épaule.

Avec une infinie douceur, le géant a obéi. La douleur a reflué. Je suis resté un moment indécis. La position n'était pas confortable, mais mon besoin d'uriner se faisait pressant. J'ai entrepris de me déboutonner et sans plus attendre, je me suis soulagé. La manœuvre inverse a été plus compliquée, Thorgal faisait de son mieux pour ne pas me faire souffrir, mais la douleur ne me lâchait pas à chaque mouvement. J'étais en sueur malgré moi. Laëth a tendu le vase au géant qui est descendu le vider sans un mot. Elle a posé sa main légère sur mon front, son contact m'a apaisé. A nouveau, elle a commencé à laver et panser ma plaie. Lorsque Thorgal est remonté, il a observé ma jambe blessée d'un air douloureux. Il n'a rien dit, se contentant de regarder ma plaie attentivement. Laëth a étalé l'onguent. Son contact était réellement désagréable, douloureux même.

-As-tu mangé, Luc ?

Comme je niais du chef, elle s'est tournée vers Thorgal, les sourcils froncés.

-Il vient de se réveiller ! … Je vais lui chercher un bol.

Il est redescendu sans un mot de plus. Elle terminait les soins quand on toqua à la porte. Elle m'a laissé le temps d'aller voir. J'ai entendu des voix, puis des pas dans les escaliers. Thorgal m'apportait mon repas. Le bol fumant a réveillé instantanément mon appétit. J'étais en train de manger lorsqu'un homme d'aspect autoritaire est entré. Grand et large d'épaule, il portait un gilet de cuir assorti à son pantalon sombre, avec une chemise épaisse. Des bottes moulaient ses jambes musclées. Ses cheveux courts dévoilaient des oreilles légèrement pointues. Je les contemplais, éberlué.

-Bonsoir. Je suis Thomasson, le bailli de cette ville.

Sa main main était musclée et chaude. Je bredouillais mon nom. Il a sorti un carnet et a commencé à prendre des notes. Pour l'essentiel, Thomasson voulait savoir d'où je venais et comment je m'étais retrouvé dans cette forêt. J'ai résumé mes aventures : ma noce arrangée, ma rébellion... Pour l'essentiel, le bailli s'est intéressé à mon arrivée dans la forêt.

-J'ai foncé droit devant moi.

-Sans cheval ?

-Oui. En voler un aurait attirer l'attention.

-Vous savez où vous êtes, jeune homme ?

J'ai hoché la tête en silence. J'arrivais tout juste à réaliser que je me trouvais dans une cité légendaire. Les questions de Thomasson ont roulé un moment sur mes intentions. Je l'ai éclairé sur le sujet. Je sentais sa méfiance. Je pouvais la comprendre. Si un Elfe était arrivé chez moi, même blessé, le prévôt l'aurait mis aux fers avant même de l'interroger. J'en étais sûr et certain; le prévôt était mon oncle, un homme méfiant et colérique.

-Thomasson, mon patient commence à fatiguer. Il n'est pas en état de partir. Vous pourrez revenir le questionner plus tard.

Le regard de Laëth était intense. Les bougies dans la pièce irisaient ses yeux. Elle n'avait pas parlé fort mais son autorité ne faisait pas de doute. Thomasson a hoché la tête. Il m'a observé longuement avant de rebrousser chemin. Je me sentais épuisé. L'intervention du bailli m'avait tourmenté et bien que je comprenais, sa méfiance à mon égard m'avait blessé. Thorgal était resté silencieux durant mon interrogatoire. Il s'est animé aussitôt le bailli hors de vue. Il a débarrassé mon bol et mon gobelet, visiblement soulagé. Après avoir raccompagné Thomasson, Laëth est remontée me voir, porteuse d'une tasse fumante.

-Ne t'inquiète pas, Luc. Thomasson est moins bourru qu'il n'en a l'air. Ne te tourmente pas, tu ne risques rien.

Je l'ai regardé, me contentant de hocher la tête. J'ai pris la tasse et j'ai soufflé sur le liquide brûlant en silence. Il était moins amer. J'ai bu en toute confiance, sans même songer à demander ce que c'était. Elle a remercié le géant et l'a renvoyé chez lui. Puis elle a soulevé légèrement mes bandages pour observer ma plaie. Elle a dû être satisfaite car elle n'a pas refait mon pansement. La fatigue me gagnait. Je me sentais bien, bien mieux chez cette inconnue que dans ma propre demeure. Petit à petit, j'ai sombré dans le sommeil.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Plume de Nuit
  • : Ceci est le blog où je publie l'histoire que j'écris depuis quelques années maintenant. En espérant peut-être un jour être publiée.
  • Contact

Recherche

Archives

Liens