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5 avril 2020 7 05 /04 /avril /2020 13:36

Quelques jours après la célébration, mon destin a franchi une nouvelle étape. Nous avons reçu, ce soir-là, la visite d'un émissaire du Palais d'Amôn Dhin. Très formel dans son uniforme, il nous a salué avant de tendre à Laëth un pli enrubanné aux couleurs de la cité. Puis, sans un mot de plus qu'un au-revoir, il s'est retiré. Elle a contemplé la missive et m'a coulé un regard grave. C'était bien ce que j'attendais et maintenant que la réponse à ma requête était là, je redoutais de l'entendre. Elle a ouvert la missive ; l'a lu posément, assise à la table près de moi. Par-dessus son épaule, j'essayais de lire le message. De ce que je comprenais du message, ce n'était pas un refus. Cela ne prendrait pas autant de place, toute une page, en fait, un refus. J'étais intrigué.

-Pour résumer, Luc, Le Palais estime que tu dois être conscient que si tu restes parmi nous, tu devras renoncer aux tiens.

-Ce qui signifie ? Je ne comprends pas bien.

-Eh bien... C'est compliqué. Mais ce que cette missive dit, c'est que tu es invité à rejoindre les tiens jusqu'à la fête de l'An Neuf. Et si, à ce moment-là tu veux toujours rejoindre le peuple d'Amôn Dhin, tu seras alors le bienvenu.

De nombreuses questions se bousculaient dans ma tête, pourtant je restais sans voix. Je me sentais... blessé. Laëth l'a bien compris, puisqu'elle m'a pris dans ses bras. Je respirais un moment son parfum en silence.

-C'est plutôt une bonne nouvelle, tu sais. Si, je t'assure. Retourne chez toi et médite ta décision. Elle va engager toute ta vie.

-C'est tout décidé, déjà !

Elle a accroché ses yeux d'ambre dans les miens.

-Le Palais t'invite à revenir en automne. Profite du temps qui t'est donné pour saluer ta famille.

Je restais méfiant quant à l'accueil paternel à mon retour. Mon absence avait duré plusieurs mois. Je n'allais pas couper à un questionnement détaillé.

-Quand dois-je partir ?

-D'ici la semaine prochaine.

Je restais interdit. Si tôt ?

-Je t'accompagnerai, si tu le souhaites.

J'ai hoché la tête, reconnaissant. La perspective de quitter Amôn Dhin ne m'enchantait certes pas, mais celle de retrouver les miens encore moins. Je redoutais la colère de mon père. Il avait dû prendre ma fuite comme une trahison et il détestait les traîtres. Il avait dû être la risée de tout le canton, au moins. Il allait me le faire payer.

 

J'ai dû avertir Thomasson de ma date de départ. En effet, il était en charge de constater mon départ de visu. Laëth m'a donc accompagné, comme prévu, mais j'ai été surpris de voir que d'autres Elfes voulaient me saluer personnellement. Ainsi Kaaminh et Thorgal se sont joints à elle. Le bailli semblait le seul satisfait par cette situation. J'avais remarqué que ma présence dans la cité paraissait l’incommoder. Nous avons marché tranquillement. Nous avons traversé la ville, puis la forêt en silence. Thomasson ouvrait la marche, suivi des deux autres compagnons. Laëth et moi marchions derrière, moroses.

-Garde ça avec toi.

Tout en chuchotant, elle a sorti un petit objet de sa besace. Une perle mordorée sur un cordon de cuir. J'observais l'objet : de chaque côté de la pierre, une petite breloque en argent figurant une feuille de chêne. Sans un mot, je me le suis passé autour du cou, le dissimulant ensuite sous mes vêtements. Plus nous approchions de l'orée de la forêt, plus je me sentais mal. Les bois étaient pourtant magnifiques, mais une incommensurable tristesse me dévorait le cœur. Du coin de l’œil, j'ai aperçu la bannière en cuir blanc. Le symbole, je le savais maintenant, signifiait « chaman ».

J'ai été raccompagné jusqu'à la sortie de la forêt. Devant moi s'étendaient les kilomètres de champs et de bosquets que j'avais traversé pendant ma fuite. Désolant retour au point de départ. Les larmes me montaient, j'essayais de les contenir.

Thomasson se tenait droit, impassible, insensible à la tristesse du moment. Il attendait que mes amis me saluent. Thorgal m'a gratifié d'une accolade bourrue. Kaaminh m'a serré dans ses bras, visiblement triste de mon départ. Quant à Laëth... Elle a été celle que j'ai eu le plus de difficulté à quitter. Ma guérisseuse, mon amie, mon professeur... Que dire ? Je tentais de faire bonne figure, mais je ne trompais personne. Elle moins que quiconque. Elle m'a ouvert les bras, assumant son émotion, accueillant la mienne.

-On se revoit en automne, Luc. Reviens ici, je serai là.

-Je voudrais déjà que l'été soit fini...

-Il passera vite. La Déesse veillera sur toi, j'en suis sûre.

Le baiser que je déposais sur son cou n'était pas prémédité. Mais il était sincère. Elle ne m'a pas repoussé, me serrant, bien au contraire, fort contre elle pour me réconforter.

-Tu vas me manquer, Luc.

Contrairement à tout le reste de la conversation, Laëth a chuchoté ces derniers mots dans ma langue. Sans me laisser le temps de réfléchir, elle s'est brusquement détachée de moi et m'a laissé partir. J'ai dû me forcer pour ne pas me retourner, sans quoi j'aurais immédiatement rebroussé chemin au bout de quelques mètres.

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